LA FIN DES NUITS
La nuit a toujours été le royaume de la liberté et de la peur, un espace où les frontières s’estompent, où tout change d’aspect et de sens, dans l’ivresse ou dans l’effroi. La nuit questionne nos vies, interroge notre finitude. Déjà dans « L’épopée de Gilgamesh », le héros mésopotamien voulait tenter de s’affranchir du cycle du sommeil : tenir éveillé plus de six jours pour devenir immortel. Des siècles plus tard, sommes-nous sur le point de réussir là où il avait échoué ? Et si oui, que serons-nous dorénavant ? Une humanité à la fois éternelle et fatiguée ?
Peut-être la nuit nous contemplait-elle aujourd’hui avec pitié, nous qui ne savons plus dormir ? Peut-être est-il temps d’écouter sa voix et d’accepter qu’elle nous ravisse ?
LAURENT GAUDÉ
Pendant plusieurs années, Fabrice Murgia et Laurent Gaudé ont échangé l’un avec l’autre, brassant des thématiques, se partageant des lectures, et - un jour - a surgi cette question tirée d’un essai de Jonathan Crary : « 24/7 Le capitalisme à l’assaut du sommeil » : l’Homme peut-il vivre 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7 ? Est-il sain, juste, souhaitable de maintenir l’éveil et l’activité sans discontinuité au détriment de la nuit ? Ils avaient tout à coup, entre leurs mains, un panel thématique intéressant pour rêver ensemble plusieurs histoires dans plusieurs endroits du monde. Car nous parlons d’une chose que nous avons tous au-dessus de la tête : les étoiles, le ciel, la nuit. Se présente alors à eux une chape universelle propice à la construction de narrations, doublée d’un thème très politique.