BRECHES
Comment recomposer la mémoire de nos corps, et réparer les fissures qu’ils renferment pour nous remettre en mouvement ?
Face à un choc émotionnel trop intense, il arrive à notre cerveau de disjoncter. C’est ce qu’on appelle la dissociation. Partant de cette expérience, Medea Anselin co-signe avec Alice Valinducq un premier long spectacle, dans lequel le plateau est utilisé comme laboratoire d’exploration, pour recréer des liens entre le corps et l’esprit. Sur scène, les quatre interprètes AFAB (assigné·es au genre féminin à la naissance) questionnent la construction et la perception de leur propre corps. I·Els tentent de se réapproprier leur paysage intérieur, influencé par la culture pop des années 90, Sexy Sushi et Lady Gaga, tout en célébrant l’héritage de Piaf et Barbara, rêvant de Lara Croft, mais pourtant bercé·es par des comédies romantiques. Tiraillé·es entre des idéologies néocapitalistes et écoféministes. Entre l’invention d’un monde plus inclusif, et la persistance d’un patriarcat qui les met sans cesse face à de nouvelles violences. Que faire de leur corps, qui transporte une mémoire peuplée de tant de paradoxes ? Entre l’imaginaire collectif dans lequel i·els baignent, et les souvenirs traumatiques qui affectent leurs sensations, comment colmater les brèches que ces corps portent en eux, pour leur réinsuffler une capacité d’agir ?
Portée par une écriture collective, Brèches agence des fragments de vie que les interprètes, en français et en catalan, déposent au creux d’un récit collectif, d’une fiction qui les relie l’un·e à l’autre. Tantôt frondeuses, tantôt réparatrices, et souvent les deux à la fois, ces voix intimes nous surprennent par l’humour ravageur qu’elles déploient, afin d’explorer de nouvelles dynamiques du désir et de déjouer les images que les corps dit féminins renvoient. Fruit d’un passionnant travail de composition dramaturgique et esthétique, cette création à vif nous fait traverser tout le prisme des émotions. Une expérience sensorielle, qui ouvre au fond de nos imaginaires de nouveaux sentiers de résilience et d’émancipation.