CROIRE AUX FAUVES
Comment faire face à ce qui nous arrive ? Comment y donner du sens ?
Croire aux fauves de Nastassja Martin est un récit autobiographique qui ouvre des mondes possibles : le cheminement introspectif qu’a vécu l’autrice, après s’être fait attaquer par un ours, est cathartique, métaphorique et au final réparateur. Et c’est ce qui fait, à mes yeux, toute la puissance du miroir que nous tend la narration de son vécu unique : c’est dans la reconnaissance de la complexité et de la multiplicité des liens qui nous unissent au vivant, humains et non-humains, que nous pourrons habiter la terre.
Son histoire polyphonique, qui démarre au moment de l’attaque de l’ours pour se terminer un an plus tard, au moment où elle se sent prête à l’écrire, lui aura permis de réagencer tous ses liens, de faire une place à part entière à la part d’invisible, d’ombre, d’irrésolu de notre monde - ce qu’elle faisait déjà pour son travail théorique d’anthropologue mais qui va devenir par cet évènement une réalité autrement plus tangible. Elle fera sienne la pluralité de son être, devenue femme-ours par la force des choses, dont l’unicité apparente ne reflète finalement qu’une manière de clore, c’est-à-dire une manière d’accepter que ce qui a été déposé en elle fait désormais parti d’elle.
Nastassja Martin va faire de sa nouvelle hybridité un geste révolutionnaire et salutaire : en faisant dialoguer la pluralité des mondes, elle fait de notre métamorphose une urgente nécessité. Et c’est ce qui, au sortir de la lecture de son livre, a immédiatement fait naître en moi le désir de le porter à la scène et de la partager à un public le plus large possible.